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Quelques petits secrets du monde
Alain Jouffroy, mars 2004

" Peut-on sculpter l'invisible ? Impossible, dira-t-on. Seul un poète qui invente une nouvelle forme de sculpture peut, discrètement, relever ce défi. L'invisible réseau qui innerve secrètement les choses, c'est ce que Didier Hamey tente de capter, dans ses sculptures comme dans ses gravures. Il dit qu'il « grave des choses pas graves ». Cette modestie fait sa grâce. Subtil, aérien, il n'imite personne, tâtonne dans un espace singulier, comme s'il y cherchait à frôler ce qui lui échappe : non seulement l'invisible, mais l'insaisissable.

Cela se fait par élans, poussées, doigté, contrôles successifs de l'incontrôlable. Cela se fait par ramifications, comme tous les arbustes le font à partir de leurs racines. Un processus naturel, de type végétal, mais qui relève aussi des autres règnes. Les sculptures de Didier Hamey font penser, de loin, à des « bonzaïs ». Ses gravures, à des traces, assez énigmatiques, de choses plus ou moins inconnues. Un travail simultané de la main et de la pensée. Ainsi s'approche-t-il, millimètre par millimètre, d'une autre sorte de beauté. La beauté, rare en tout cas, de la délicatesse.

Parfois, cela évoque ces plantes sous-marines qui oscillent dans les grands fonds. Toute une population ressurgie à la surface des eaux, ressuscitée, réinventée. Cela évoque aussi des personnages farfelus, des fantoches, des virus et des anti-virus inattendus, des volées improvisées d'insectes et de fleurs. Didier Hamey appelle l'ensemble de ses sculptures et de ses gravures un « cabinet de curiosités » -comme s'il était lui-même le collectionneur de ces choses fragiles, infiniment fragiles, qui l'habitent et le hantent, le fascinent et le font mieux respirer que d'autres.

Une petite sculpture sur roulettes, intitulée Hercule , qui représente une sorte d'oiseau, est peut-être l'autoportrait symbolique de l'auteur : elle peut avancer, elle peut reculer, se renverser en arrière et se pencher vers l'avant. Mais surtout, elle bouge, contrairement à toutes les statues. Cet Hercule-là ne saurait prétendre nettoyer les écuries d'Augias, ni renverser les colonnes d'un Temple. A l'image de Didier Hamey, il dit, avec humour, que l'individu qu'est un artiste peut, du fait même de sa faiblesse apparente, signifier quelque chose d'indépendant par rapport à tous les systèmes de dépendance.

Violence cachée de l'extrême douceur : dans un monde assassin, celui de la Terreur , la célébration de la fragilité implique une lutte contre toutes les formes de brutalité, tous les crimes commis par les hommes sur la terre, mais aussi sur les mers, dans les airs et au-delà.

Il ne le prétend pas. Je ne peux cependant manquer d'y songer, par rapport à tout ce qui se fait, aujourd'hui, au nom de l' « art ».

Mais s'y appesantir serait trahir son besoin d'extrême réserve et d'extrême retrait, trahir la distance qu'il prend, volontairement à l'égard du monde des faits et des événements. Je ne le ferai pas.

Par contre, je peux me permettre d'écrire ici que le travail qu'il accomplit n'est rendu possible que par le silence où il se maintient. Il s'agit d'une stratégie, où il y a de la ruse, dans un exil volontaire, à l'envers des clameurs et des grandes proclamations.

Travail à la loupe, où le microcosmique reflète le macrocosmique. Travail de chercheur, aussi humble qu'attentif et vigilant. Travail de poète à l'affût de tous les possibles. Travail de sape, accompli sous cape. Travail de sage, surtout, enfoui dans la folie générale.

Le cabinet de curiosités de Didier Hamey sera dispersé un jour ou l'autre, c'est fatal. Il faudrait déjà penser à en faire le catalogue, dans un livre que l'on pourrait intituler : Quelques petits Secrets du Monde . Mais, avant de nous y mettre, laissons-lui, un doigt sur les lèvres, le temps d'accumuler d'autres trésors ".

Alain Jouffroy, mars 2004